René épouse Alda à Reims en 1930
René (1) a eu le coup de foudre pour Alda (2). René (3) avait rencontré Alda à la guinguette proche du domicile de la famille où elle était femme de chambre.
Jeune fille gaie, heureuse de vivre, mince, la tête auréolée de ses cheveux noirs frisés, Alda avait une élégance naturelle. Elle dansait d’instinct, René plus raide, lui marchait sur les pieds.
Elle comprit vite qu’il l’ouvrait à un avenir qu’elle ne pourrait envisager sinon, vu sa condition de femme de chambre dans une maison bourgeoise, de plus son âge de 21 ans allait bientôt la faire considérer comme « vieille fille » car non encore mariée.
Il était dans les mœurs de l’époque que les filles de condition modeste travaillent en attendant le mari idéal, pas d’autre choix quand on n’a plus de famille ; mœurs qui resteront jusques années 1960. Elle pouvait envisager un ouvrier qualifié, un employé de magasin, un serveur dans un restaurant, enfin quoi un homme d’une condition juste au-dessus de la sienne.
Elle avait eu un premier amour, originaire de la petite bourgeoisie de Reims. Il s’était tué en moto. Elle ne l’oubliera jamais vraiment.
René est inattendu pour Alda
Alda comprend vite qu’il a de l’ambitieux pour son avenir. René s’est formé à l’emploi de dessinateur par cours du soir et travaille dans un bureau d’études ; il continue à prendre des cours le soir au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) à Reims pour obtenir le diplôme d’ingénieur en bâtiment et travaux publics en trois ans.
Lui la qualifiait de « oiseau qui attend sur la branche ». Il était donc visible qu’elle attendait que la vie lui propose autre chose que son présent et son passé, assez lourd. Tous deux sont confiants en leur avenir.
René était destiné par son père à devenir serrurier en bâtiment, c’est à dire à fabriquer des ouvrages en fer forgé pour la décoration extérieure et intérieure des bâtiments, tels que les balcons, les rampes d’escalier et aussi pour la structure des ponts. C’était un métier d’art, un beau métier. La condition familiale ne pouvait envisager des études autres qu’une orientation rapide vers un métier pour gagner sa vie. Mais René veut plus, il est ambitieux, il a des capacités et le sait, et surtout le travail est déjà le guide de sa vie et le restera toute sa vie.
Reims et la grande guerre
Sa famille est originaire de la campagne rémoise, le père (c’est à dire mon futur grand-père), qui n’a pas été blessé durant la Grande Guerre, est représentant pour un grossiste alimentaire. Il parcoure les campagnes et les villes dans une voiture à cheval qui contient le stock des marchandises qu’il vend ou va livrer à sa clientèle. Lui aussi a un sacré caractère : il aurait mordu son cheval, à moins que c’était un mulet ou un âne, à l’encolure parce qu’il refusait d’avancer.
Reims et toute la province ont été le front de la guerre par trois fois : décembre 1914, septembre 1915, avril 1917. La province rémoise gardera les blessures des trous de bombes dans tous les prés et les bois durant plusieurs dizaines d’années. La terre ne fut plus jamais plane, comme déchirée à tout jamais, les paysans trouvaient sans cesse des morceaux de métal, une grande partie de la province fut interdite à la pénétration, trop dangereuse, une bombe non éclatée pouvant être touchée à tout instant. La cathédrale de Reims fut en partie détruite et la ville meurtrie.
Mon père m’emmena, enfant, voir les dégâts dans les bois et les anciens champs, courant des années 1950 : je fus impressionnée par les blessures qui restaient comme à jamais.
Mon père, né en mars 1906, avait de 8 à 12 ans durant cette guerre. Il n’avait pas été laissé vivre à la campagne, mais était hébergé chez sa marraine dans la ville de Reims. Il n’en a pas gardé de traumatisme, au contraire il me racontait comment, avec ses camarades, ils récupéraient les douilles des balles pour en faire des jeux, et comment il aimait glisser sur une planche qu’il avait surmonté sur des roues récupérées parmi les restes des armes. Il gardera toute sa vie de l’affection pour cette marraine qu’il ne manquait pas d’aller visiter, avec nous, à chaque Toussaint, à la ferme qu’elle tenait dans la campagne rémoise, une fois la paix revenue.
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(1) le nom de mon père est double ce qui ne simplifie pas la compréhension d’autant que je n’ai jamais connu l’origine de ce changement, donc :
- Son nom de baptême est Maurice, mais il se fit appeler toute sa vie : RENÉ !
je vais donc m’attacher à le nommer René tout au long de mon histoire !
(2) née Magnani
(3) Stasse nom que j’ai repris à la suite de mon divorce officiellement en 1973, mais j’avais quitté mon mari, Jean-Jacques Porchez, le 1er janvier 1970.