Rencontre de Anita avec Giovanni
À Bologne, Anita rencontre un homme qui va définitivement marquer sa vie car il deviendra son mari puis la quittera.
Mais avant ils vont se fréquenter. On ne sait pas si Anita était vierge ou non avant de le connaitre. Cet homme, Giovanni, est d’une condition sociale dite inférieure : il est ouvrier électricien à la mode de la fin du 19ème ou du début du 20ème, c’est à dire qu’il pose les poteaux qui conduisent l’électricité et/ou le télégraphe. On ne sait rien sur ses penchants politiques : est-il anarchiste ? Une question à se poser dans le contexte de la ville de Bologne. On ne sait pas ce qui séduisit Anita chez cet homme. Dommage. La suite de l’histoire nous dira qu’il était séducteur.
Sans doute avait-il un charme particulier pour séduire une fille de la riche bourgeoisie romaine, instruite, cultivée. On peut tout au moins imaginer qu’il avait certaines qualités comme l’intelligence, la curiosité sans doute, le désir de réussir sa vie par le haussement de sa condition sociale d’origine et donc une certaine ardeur à gagner sa vie.
Giovanni est déjà marié
Le statut que le couple a à Bologne n’est pas simple car il est marié et le divorce est interdit en Italie par la puissante Église catholique qui contraint l’État à obéir à ses lois morales.
Anita devient enceinte et ils décident de garder l’enfant pour cela ils doivent quitter l’Italie, l’enfant devant naitre hors du territoire de l’Italie pour que le père puisse le reconnaitre. Peut-être n’est-ce pas sa première grossesse et celle-ci ils veulent la mener à terme, l’attachement qu’ils ont l’un à l’autre est assez fort pour penser à construire une famille, et pour cela il faut qu’il divorce et donc qu’ils quittent l’Italie.
Ils quittent l’Italie direction la France
Ils prennent la route au début du 20ème siècle, direction la Suisse le but étant la France. S’ils avaient envisagé l’Allemagne ils auraient pris la direction de l’Autriche qui est la ligne Nord directe depuis Bologne, pour la France il faut obliquer vers l’Ouest et le chemin est plus long.
La France est peut-être un pays qui parait plus stable, plus avancé économiquement et politiquement, l’Allemagne ayant vécu, un peu comme l’Italie, son unification territoriale récemment. La France est le pays de la Révolution, mais aussi des Napoléon. La France est plus proche de la culture italienne que l’Allemagne, sa langue plus facile à apprendre et parler. Peut-être aussi que la France incite l’immigration italienne plus que l’Allemagne ?
Naissance d’un fils : Giovanni jamais reconnu par son père
Leur premier enfant, un fils, nait en Suisse en 1907. Il reçoit le même prénom que son père, Giovanni, mais ne peut être reconnu car le père n’a pas encore divorcé et ne peut le faire tant qu’il a la nationalité italienne, et ils ne prennent pas la nationalité suisse puisqu’ils n’envisagent pas d’y rester.
Il aurait pu le reconnaitre plus tard, une fois divorcé, en France, ce qu’il n’a jamais fait. C’est l’ainé et c’est un fils, il restera le préféré, sans jamais être reconnu, il portera toute sa vie, ainsi que sa lignée, le nom de sa mère. Pourquoi le père, Giovanni, ne l’a-t-il pas fait une fois en France ? par négligence ? Cela reste une énigme.
Naissances successives
Les dates et lieux de naissances successives nous indiquent le chemin parcouru. La seconde naissance est une fille, née en juin 1909 à Thonon-les-Bains, soit côté français de la frontière franco-suisse, Alda, ma mère. La troisième de nouveau une fille en juillet 1911 en Haute-Savoie, Olga, et le quatrième un garçon, Giordano, né en juillet 1915 proche de Grenoble, en Isère.
Donc, depuis la Suisse, ils redescendent à travers les Alpes, côté français. Peut-être ont-ils cherché à s’y fixer. Mais la Savoie est la région, ainsi que la côte niçoise, où sévit un racisme anti-italien violent : des Français attaquent les Italiens à coup de gourdin et en tue un certain nombre.
Montargis
Ils se fixent à Montargis, commune du département du Loiret, dans le centre de la France, région boisée et d’un réseau hydrographique dense. En 1911 la commune comptait 12 927 habitants, et en 1921 12 524 évolution due peut-être en partie aux morts de la guerre de 1914 et aussi au début de la migration des agriculteurs vers des villes qui ont besoin de bras pour l’industrie en expansion.
Mais qu’à donc d’attrayant Montargis, ville peu connue, du point de vue de l’emploi d’un électricien. C’est là que se cache les qualités d’une ville si on n’y regarde de plus près : le caoutchouc. On pourrait se poser la question de savoir s’il n’est pas resté le nom Montargis parce que plus facile à mémoriser que Châlette-sur-Loing où se situe une usine de pneus (Hutchinson) depuis la fin du 19ème siècle et qui emploie de nos jours 40 000 personnes, parmi eux certainement des électriciens, l’industrie automobile étant en pleine expansion après la première guerre mondiale. Mais il est aussi possible qu’il se soit mis à son compte.
On manque d’informations pour comprendre pourquoi Montargis plutôt qu’une ville plus importante. Montargis est une ville de gauche depuis la Révolution, point commun avec Bologne ; elle va accueillir un nombre significatif de réfugiés Républicains Espagnols à partir des années 1930, l’immigration italienne n’y est pas notée par les statistiques.
Mais Giovanni va quitter le domicile familial pour Reims au cours des années 1920, et Anita quitter définitivement Montargis pour Milan début des années 1930.