Notre mobilisation sur le prix du livre
Nous avions une autre raison de nous mobiliser : le prix du livre. Pour nous battre contre la concurrence inégale des grandes surfaces qui vendaient les livres avec des réductions de 20 % nous avions formés des groupes de libraires dans les villes et les quartiers. Au cours de réunions où nous étions loin d’être en accord nous définissions des projets pour de nouvelles règles et élaborions des projets de lois.
Prix du livre fixé par les éditeurs
Les éditeurs nous vendaient les livres à partir d’un prix fixé par eux qui décidaient de la marge qu’ils nous appliquaient, 30 % pour les petits libraires, notre librairie étant classée « librairie différente » parce que nous donnions de la place aux livres dit « difficiles » comme l’histoire, la psychanalyse, certains thèmes, ils nous fixaient une marge de 35 %. Mais la règle était : plus un point de vente achetait de livres aux éditeurs plus les marges étaient fortes et pouvaient monter jusqu’à 50 % du prix de départ fixé par les éditeurs ce qui favorisaient les grosses librairies ; ces grosses librairies ou rayons de livres en grande surface ne disposaient pas de « libraire » pour conseiller les clients et/ou faire des recherches sur les thèmes qui les intéressaient plus spécifiquement.
Concurrence inégale entre libraire et grandes surface
Cette concurrence était intenable pour les libraires qui par définition ne vendaient que des livres et pas des chaussettes ou des fruits et légumes ou comme certains points de vente vendaient une telle masse de livres, de disques, de machines à laver (FNAC) ou des livres d’occasion (Gibert Jeune). Nous pouvions vivre à partir du tarif de – 30 ou – 35 %, il nous était par contre absolument impossible de faire une remise quelconque à nos clients. Pour les grandes surfaces le livre était un produit d’appel, pour nous il était notre seul source de revenu. On voyait de plus en plus de clients qui venaient nous demander de faire des recherches sur certains sujets et repartir avec notre liste sans rien nous commander, alors que nous avions passé plusieurs heures à compulser les gros annuaires de livres classés par auteurs et par thématiques. Ils allaient acheter les livres, sans complexe, armés de notre liste, dans les grandes surfaces qui ne faisaient pas le métier de libraire mais de vendeur de livres, métier très différent.
Nous sommes libraires non vendeurs de livres
Nous parlions des livres, des auteurs, des éditeurs, à nos clients, le métier de libraire est actif, pas simple vendeur, mais transmetteur de culture. Nous passons les commandes journalières des clients qui font tourner les fonds des éditeurs. Les libraires sont indispensables aux éditeurs pour diffuser le livre, ils sont prescripteurs, ils travaillent en collaboration avec les représentants pour faire connaître les nouveaux livres, les nouveaux écrivains, les nouveaux thèmes que l’actualité tant politique, qu’économique, que sociologique, font émerger.
Loi sur le prix du livre
Jack Lang, ministre de la culture le 22 mai 1981
François Mitterrand élut président le 10 mai 1981 nomme Jack Lang ministre de la culture le 22 mai 1981 qui aussitôt promulgue la nouvelle loi sur le prix unique du livre neuf.
- Le prix est imprimé sur le livre, seule une remise unique de 5 % est autorisée.
Les librairies sont définies par quelques règles de bases :
- vendre des livres neufs,
- avoir une vitrine qui met les livres en valeur et
- au moins un vendeur qualifié « libraire » pour conseiller les clients,
- commander les livres à l’unité, ce qui suppose disposer d’un coursier pour les librairies parisiennes, ou commander les livres aux éditeurs par téléphone.
Ainsi la vie des libraires est protégée pour promulguer la lecture et la culture, essentielles pour un pays démocratique avec des Citoyens ayant une base de culture générale. Ce qui n’empêche pas des rééditions à prix plus bas de livres dont les droits d’auteur, à charge des éditeurs, sont tombés dans le domaine public et les livres d’occasion généralement dans des librairies spécifiques.
Dans le prochain billet je décris notre vie familiale, nous ne savons pas encore que tout va basculer